Chapitre du 9 février 2018  sur l’humilité

Nous voilà à la fin du parcours de l’humilité et dans ce douzième degré se dessine à l’horizon le moine selon saint Benoît, ce moine qui est aussi dans notre horizon et que le Saint Esprit façonne aussi en nous, il faut en être sûres…

  • Ce moine à l’horizon, le premier verset nous l’indique, c’est un homme unifié dans lequel corps et cœur (il y a les deux mots) correspondent. L’humilité pour saint Benoît est synonyme de vérité : le comportement, l’allure extérieure, les gestes sont l’expression du cœur ; il n’y a plus dans le moine simplifié aucun faux semblant, aucun désir de paraître, plus aucun masque. C’est un homme vrai, réconcilié avec lui-même – on retrouvera dans les chapitres sur l’ordo liturgique ce lien profond entre corps et cœur : l’office est une grande école de vérité, d’humilité, un lieu essentiel d’unification.
  • Autre caractère de ce moine du 12ème degré qui m’a particulièrement frappée à cette lecture : c’est un homme ordinaire qui vit la vie ordinaire. C’est le seul degré de ce ch. 7 où la vie quotidienne apparaît avec sa couleur, sa diversité. On suit ce moine à l’office, à l’oratoire, circulant dans le monastère, travaillant aux champs, en voyage, etc. Il vit simplement la vie monastique dans tout son réalisme et le concret des jours ; il est à l’aise. On le voit aussi assis, en marche, debout, dans ces trois attitudes fondamentales de l’être humain ; il est réconcilié avec son humanité, avec la vie ordinaire – « il ne poursuit ni grands desseins, ni merveilles qui le dépassent » – pour reprendre le psaume 130 cité au début de ce chapitre. À l’aise, il l’est surtout dans sa relation à Dieu, il n’a plus ni crainte, ni peur et accomplit sans peine et naturellement ce que le Seigneur lui demande ; vivant sous le regard de Dieu, il est devenu son familier, son ami ; il est à l’aise dans le monde de Dieu. Comme dit Mère Loÿse en parlant de l’habitude : « il ne s’agit pas de l’habitude routinière mais de l’aisance propre à ce qui nous est familier, intime. On entre dans l’intimité de Dieu comme dans l’amitié des autres, par l’humilité ». Ce moine à l’horizon est ici un homme libre, sans peur, à l’aise dans la vie car habité par l’amour, vivant dans l’intimité de Dieu sans même le savoir…
  • Saint Benoît nous dit aussi que c’est un homme réconcilié avec son péché, avec sa faiblesse parce qu’il se sait pardonné, jugé parce que pardonné. Comme le publicain dont il est une image, il se sait pécheur, il le reconnaît devant Dieu, devant ses frères et, comme lui, il repart chez lui, vers la maison de Dieu, justifié. Il porte son état de pécheur, sa pauvreté avec simplicité sous le regard de Dieu. C’est un homme lucide et en paix.
  • Enfin, tout à l’horizon, saint Benoît voit le moine peu à peu identifié au Christ sous l’action de l’Esprit Saint. La ‘tête inclinée’ nous renvoie à Jésus sur la Croix, là où il remet l’Esprit au Père et le souffle sur les hommes. Ce moine est identifié au Christ souffrant et donnant sa vie, au Christ humilié et courbé. Il est devenu Porte-Christ, purifié par l’Esprit Saint. Ayant vécu simplement et dans la confiance sous le regard de Dieu (depuis le 1er degré), il est maintenant ce cœur pur à qui il est promis de voir Dieu. Et c’est une béatitude ! Le moine du 12ème degré est un homme heureux.

Pour commenter ce passage, je me sers maintenant d’un texte du père Matta El Moskine, copié par l’une de vous. Il médite sur le Baptême de Jésus et tout particulièrement sur sa tête inclinée, signe de son humilité et de la justice qu’il nous apporte. Je cite un passage : « Aujourd’hui le Christ offre le meilleur remède à la pire des maladies. En inclinant la tête sous la main de Jean, en recevant de lui l’onction du baptême, il apporte l’esprit d’humilité ou pour le dire avec des mots plus forts, le mystère de l’humilité qui contient l’accomplissement de toute justice […]. Le Christ est venu guérir la raideur de la nuque du peuple d’Israël et de l’humanité entière […] Il lui a semblé bon d’instituer ici au Jourdain, au début de son ministère public, la fondation solide sur laquelle doit être établi un ministère efficace : l’onction de la tête inclinée. » Et il fait ensuite le lien avec le lavement des pieds où le Christ s’abaisse, se courbe jusqu’à terre devant les disciples. Je trouve que ce texte méditant sur la tête inclinée du Christ, accomplissant ainsi toute justice, peut bien éclairer la figure de notre moine du 12ème degré, pécheur humble et justifié par l’amour du Christ.

Le père Matta El Moskine ajoute encore : »tel est le baume secret, l’onction divine et mystérieuse qu’il nous faut utiliser pour rendre à nos cous la souplesse de l’enfance afin que nous puissions facilement courber la tête et rechercher toute justice ». Et comme nous sommes le 9 février, je pense à une autre « tête inclinée », sainte Scholastique ! Elle aussi, après avoir longtemps vécu sous le regard de Dieu, dans une vie simple et ordinaire, a retrouvé la souplesse de l’enfance, la tendresse qui s’incline devant elle : Dieu entend toujours celui qui humblement s’incline.

Soeur Scholastique, Abbesse de Pradines

Chapitre du 9 février 2018 sur l’humilité

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