LA FRATERNITE DANS LA RB (Topo SOB)

   Il y a déjà quelques temps, Elisabeth Roux m’avait demandé si je pouvais faire une « conférence » à la réunion du SOB, sur le thème de la FRATERNITE dans la RB, en lien avec la lettre encyclique Fratelli Tutti du Pape François.

   Heureusement qu’en lisant son mail j’étais assise ! Je ne suis jamais allée à aucune assemblée du SOB, et je dis toujours à nos Oblats que je ne donne pas de conférence, encore moins un enseignement, comme on dit dans le Renouveau.  Je préfère parler de « partage de lectio », à savoir : j’ai cherché, j’ai trouvé ceci et cela, et vous ? Est-ce que ça vous dit quelque chose ? ou pas du tout ?  Est-ce que ça vous interroge comme moi ça m’a interrogée ?

   Voilà déjà un point de posé.  J’ai donc pris conseil et, une fois décidée, je suis restée avec l’impression d’être « noyée » par le sujet, car la FRATERNITE, on la trouve à toutes les pages de la RB. Le mot FRERE revient 93 fois, trois pages dans une concordance de la RB que nous avons dans notre bibliothèque.

   Dans un des derniers numéros de l’AIM (N° 121 : « Frères selon la RB) le P. Jean-Pierre LONGEAT, ancien Abbé de Ligugé, a écrit un article sur la fraternité dans la RB.  Aussi je vous y renvoie, car je ne vais pas le paraphraser et redire mal ce qu’il dit si bien ! On peut d’ailleurs retrouver cet article sur Internet.

   Il dit, entre autres choses, que St Benoît utilise de préférence le mot FRERE au mot MOINE.

   Il renoue, en quelque sorte, avec l’Eglise des origines, où les premiers chrétiens se désignaient par ce mot.

   J’ai donc pensé que je ne pouvais traiter de la FRATERNITE dans la RB de manière globale, il y faudrait un livre entier.  J’ai donc choisi, parmi bien d’autres, un thème, celui de la RENCONTRE.

   Peut-être parce que nous faisons partie d’une nouvelle fédération, ND de la Rencontre, mais aussi à cause de la démarche synodale vécue ensemble en Eglise, et des appels réitérés du Pape François pour construire justement une culture de la rencontre.

   C’est pourquoi j’ai vu trois parties dans cet exposé :

  • 1/ Benoît à Subiaco
  • 2/ La CULTURE de la RENCONTRE sur une géographie plus vaste.
  • 3/ Le MYSTERE de la VISITATION

I/ BENOÎT à SUBIACO

   Je pars d’un passage des Dialogues de Saint Grégoire que j’ai d’ailleurs déjà un peu traité avec nos Oblats au dernier WE, puisque nous étions en Temps Pascal.

   Benoît est donc dans sa grotte à Subiaco.  Il est seul, mais un autre personnage va entrer en scène, Dieu aussi d’ailleurs, invisiblement.

   Entre les deux personnages, Benoît et son visiteur, il va y avoir un entretien et un repas pris ensemble : nous sommes dans une atmosphère liturgique puisque « c’est Pâques ! »

   Nous lisons toujours ce passage au réfectoire le jour de Pâques avant le repas de midi.

LIRE LE PASSAGE, à la fin du chapitre 1 des Dialogues

 

6. Dieu, le tout-puissant, veut que la vie de Benoît soit un exemple pour les hommes, une lumière placée bien haut pour éclairer tous ceux qui sont dans la maison de Dieu.

   Un prêtre habite assez loin de là.  Il est en train de préparer son repas pour la fête de Pâques.  Alors, dans sa bonté, le Seigneur lui apparaît en vision.  Il dit au prêtre : « Tu prépares de bonnes choses pour toi, mais là-bas, mon serviteur souffre beaucoup de la faim. »

   Le prêtre SE LEVE tout de suite. Et le jour même de la fête de Pâques, il part dans la direction indiquée avec le repas qu’il a préparé pour lui. A travers les pentes raides des montagnes, les creux des vallées, les trous du sol, le prêtre cherche l’homme de Dieu.

   Il le trouve enfin, caché au fond de sa grotte.

7.  Ils commencent par prier.  Ils bénissent le Dieu tout-puissant.

   Puis ils S’ASSOIENT et ils PARLENT ENSEMBLE de la joie de vivre avec Dieu.

   Ensuite, le prêtre qui est venu voir Benoît lui dit :

   « LEVE-TOI !  Mangeons !  Aujourd’hui, c’est Pâques ! »

   Benoît lui répond : « Oui, aujourd’hui c’est Pâques, je le sais, puisque j’ai l’honneur de te voir ! »

   Comme Benoît habite loin de tout le monde, il ne sait pas que c’est le jour de Pâques.

   Le bon prêtre lui dit de nouveau : « C’est vrai !  Aujourd’hui c’est Pâques, le jour de la Résurrection du Seigneur.  Jeûner aujourd’hui ?  Non !  Moi, j’ai été envoyé exprès pour que nous PRENIONS ENSEMBLE les dons du Seigneur tout-puissant. »

   Alors ils bénissent Dieu, et ils PRENNENT LEUR REPAS.  Quand ils ont fini de MANGER et de PARLER, le prêtre revient à son église.

COMMENTAIRE

Je remarque trois choses :

1/ Benoît est vraiment caché loin des hommes, à des miles et des miles de tous lieux habités, et le prêtre a dû mettre un certain temps à le trouver !

« Il chercha l’homme de Dieu par les escarpements des monts,

par les creux des vallées, par les replis du terrain,

et le découvrit enfin au fond de sa grotte. »

2/ Benoît semble complètement déconnecté du réel : il ne sait plus quel jour liturgique on est.  Il semble avoir perdu la notion du temps et du fil des jours, sans suivi de la liturgie, à laquelle pourtant il attache tant d’importance dans la RB. Il est vraiment LOIN dans l’espace et dans le temps, mais il est avec Dieu. D’autre part, s’il est déconnecté du réel, il n’est pas déconnecté de la charité, et Grégoire nous montre qu’ici c’est la charité qui devient le réel.

   Cela me fait penser à un apophtegme que Sr Marie m’a souvent cité, elle a été ma maîtresse des novices autrefois :

« Un frère vint voir un anachorète et lui dit en le quittant :

« Pardonne-moi, Père, je t’ai empêché de suivre ta règle »

Et lui de répondre :

« Ma règle est de t’offrir l’hospitalité

et de te renvoyer en paix. »

 (Cité dans Fr Etienne Goutagny : La voie royale du désert » p. 317)

3/ Benoît est seul, mais il n’est pas « isolé », replié sur lui-même.  Il réserve même un accueil chaleureux à son hôte :

« C’est Pâques, puisque te voilà ! »

   C’est quand même joli de dire ça, il accueille son hôte non seulement comme le Christ, mais comme le Christ ressuscité en personne.

   A partir de ce moment d’ailleurs, la suite du récit nous dit

« qu’il fut bientôt connu de tout le voisinage,

et, dès ce moment,

nombre de gens commencèrent à venir le visiter »

   Pour Benoît accueillant le Christ dans sa grotte solitaire, je voudrais me référer aux deux premières lettres que le P. Abbé Denis HUERRE, devenu Abbé président de notre Congrégation de Subiaco, avait écrites aux monastères de la Congrégation, en janvier et juin 1981.

   Il commençait par se demander quelle était la grâce propre de notre Congrégation nommée SUBIACO justement.

  Est-ce son histoire ?  En 2022, nous avons fêté le 150ème anniversaire de sa fondation, et justement nous avons commencé à la lire au réfectoire.

   Or, écrit-il, l’histoire de notre Congrégation est totalement liée à l’après-Révolution française, aux luttes nationales du XIXe, aux péripéties de l’Eglise romaine dans la période anticléricale de l’Europe, aux deux guerres mondiales, à la colonisation-décolonisation, etc…

   C’est une leçon à ne pas oublier, mais la grâce propre à notre Congrégation est ailleurs : il s’agit de la nouveauté chrétienne vécue par Benoît à Subiaco.

   L’histoire devient alors

« ce qu’un homme, nommé Benoît,

a permis au Christ d’opérer en lui :

la CONVERSION du COEUR. »

 Le P. Denis dit encore :

« Regardons Benoît à Subiaco :

l’homme du recueillement devient l’homme de l’accueil.

Comme dans la vie de JESUS qui a vécu 30 ans de vie retirée,

il y a un « passage aux hommes » directement lié dans les deux cas

à un « passage à Dieu »

   Dans l’accueil du prêtre par Benoît, on peut remarquer deux choses : son hospitalité d’une part, et la qualité de sa rencontre avec le prêtre d’autre part, prêtre dont, d’ailleurs, on ne nous dit pas le nom.

HOSPITALITE : Il accepte de se laisser déranger par une situation qui vient bousculer ses habitudes de solitude extrême, à la limite du possible, pourrait-on dire.  Il est tout accueil à l’inattendu de la Vie, dans l’action de grâces :

« C’est Pâques puisque te voilà ! »

   Benoît a reçu de sa relation au Christ la capacité de voir dans « l’élément perturbateur » le Ressuscité, ce Dieu qui, sans cesse, remet en route, empêche de s’installer, de tourner en rond.

   On repense à l’épitre aux Hébreux :

« N’oubliez pas l’hospitalité :

elle a permis à certains, sans le savoir,

de recevoir chez eux des anges. »  (Heb 13, 2)

   Benoît nous invite à voir dans l’autre plus qu’un ange, mais bien le Ressuscité lui-même.

   Je vous renvoie à tout ce que Benoît dit dans sa Règle de l’hospitalité.  Je ne cite ici que le chapitre 66 sur les portiers du monastère, les v 2 à 4 :

« A la porte du monastère, on met un ancien, un homme sage.

(…) Le portier doit avoir sa cellule près de la porte.

Alors, ceux qui arrivent trouvent toujours quelqu’un pour répondre.

Dès qu’une personne frappe, ou dès qu’un pauvre appelle,

le portier dit : « Rendons grâce à Dieu »

ou bien : « Bénissez-moi ! »  (Cf. M. Aguilberte)

Et, avec toute la douceur que donne

 un respect confiant envers Dieu,

il répond vite, avec un cœur brûlant de charité. »

   Cf. aussi le chapitre 53 sur « L’accueil des hôtes ».

   Mais il n’y a pas que les hôtes, il y a aussi

  • le cellérier (chapitre 31) qui ne doit pas peiner les frères en refusant brutalement une demande malencontreuse : « Humblement, il refusera avec raison à celui qui a fait une mauvaise demande » (v 7) Ailleurs il dit aussi « qu’une bonne parole vaut mieux qu’un don excellent ».
  • les nouveaux frères (NOVITER VENIENS) au chapitre 58
  • les prêtres qui voudraient habiter au monastère (chapitre 60)
  • les moines étrangers (chapitre 61)
  • les frères entre eux (Cf chapitres 3 (appel des frères en conseil), 71(les frères s’obéiront les uns aux autres) et 72 (le bon feu qui doit brûler le cœur des moines) particulièrement, mais à vrai dire à toutes les pages de la RB si on regarde de près ! )

La QUALITE de la RENCONTRE entre Benoît et le prêtre est mentionnée deux fois, à l’arrivée et au départ :

= Après avoir prié, ils S’ASSIRENT ENSEMBLE,

rendant grâces au Seigneur tout-puissant,

et quand ils se furent ENTRETENUS de la joie de vivre avec Dieu,

le prêtre…  (il prend alors la parole)

= Lorsqu’enfin le REPAS et l’ENTRETIEN furent terminés,

le prêtre regagna son église.

   On ne sait pas exactement ce qu’ils se sont dit, peu importe, mais il y a eu un dialogue vrai, un ENTRETIEN autour d’un repas.  Les deux convives ont rompu le pain ensemble comme jadis les pèlerins d’Emmaüs, avec cette différence que Benoît reconnaît le Ressuscité avant même la fraction du pain !  Il le reconnaît dans le sacrement du frère.

   J’aimerais ici me référer à un chapitre de M. Abbesse le 17 octobre dernier.  Je la cite :

  « Benoit est un homme de Pâques. Il est celui qui vit le carême comme une « attente de la Sainte Pâque dans la joie du désir spirituel » (RB49), celui qui répartit la liturgie (RB8), les repas (RB41), le travail en cycle annuel toujours à partir de Pâques (RB 48).

(…) A la fin du chapitre 1 de la vie de Benoît, nous avons le merveilleux récit de sa rencontre avec le prêtre venu partager avec lui son repas : « Oui, c’est Pâques, puisque j’ai la joie de te voir ! » La rencontre, c’est Pâques, parce que c’est le passage de la nuit au jour, c’est ce nœud d’où nait la lumière neuve, où quelque chose bascule, où s’articule l’avant et l’après d’une présence qui fait signe. »

   Quelques jours avant son chapitre, le 10 Octobre, le pape François avait lancé le parcours sur la synodalité dans chaque diocèse, et M. Abbesse, dans le même chapitre, nous a cité quelques phrases de son discours :

« En commençant ce parcours, nous sommes appelés à devenir experts dans l’art de la rencontre. Non pas dans l’organisation d’évènements, ou dans la réflexion théorique sur des problèmes, mais avant tout dans le fait de prendre le temps de rencontrer le Seigneur, et de favoriser la rencontre entre nous. (…) La rencontre nous transforme et nous suggère souvent de nouveaux chemins que nous n’avions pas imaginés parcourir. »

  Ici, j’aimerais citer le P. David, ancien Abbé d’En-Calcat, au Congrès des Abbés de septembre 2016, sous le titre « Transmettre le trésor monastique ». 

   Il écrit :

« Les Dialogues de saint Grégoire nous font connaître

 le contexte historique de la rédaction de la Règle de saint Benoît,

le VIe siècle en Italie, à savoir une débâcle majeure.

Benoît est un héritier de l’Empire, culturellement un Romain.

Or la ruine de l’Empire est chaque jour plus complète,

et les Barbares sont partout.

 La fragilité est extrême : l’ancien monde s’écroule,

 et des violents cherchent à s’emparer de ce qui reste…

Le monachisme bénédictin prend naissance très précisément

quand Benoît décide de recevoir ENSEMBLE,

comme novices de son monastère,

d’une part deux fils de patriciens romains, deux héritiers de l’Empire,

et d’autre part un ostrogoth taillé à la hache, un Barbare !

Benoît table sur la FRAGILITE de la RENCONTRE

comme lieu spécifique où l’Esprit-Saint peut agir,

et il saisit cette confrontation de l’héritier et du barbare,

non pas comme un pis-aller regrettable,

mais comme la pierre de touche

d’une communion évangélique authentique. »

II/ La culture de la rencontre pour toute l’humanité

   Le pape François en parle souvent, comme vous le savez. Pour lui, le dialogue est infiniment supérieur au conflit !  On peut citer, entre autres,

  • Son homélie à la messe matinale de la maison Sainte Marthe le 13 septembre 2016 :

« Travaillons ensemble pour construire

une vraie culture de la rencontre

qui puisse vaincre la culture de l’indifférence :

si moi je ne regarde pas – il ne suffit pas de voir, il faut regarder -,

si moi je ne m’arrête pas,

si moi je ne touche pas,

si moi je ne parle pas,

je ne peux pas faire une rencontre,

et je ne peux pas aider à promouvoir une culture de la rencontre »

  • Son discours à Naples du 21 juin 2019, où il avait été invité, à l’occasion de la conférence « La théologie après Veritatis gaudium dans le contexte méditerranéen ».

   La faculté de théologie de l’Italie méridionale avait invité le pape à cette occasion, en lui posant la question : « Quelle théologie proposer dans le contexte méditerranéen si complexe ? »

Le Pape a répondu : « Une théologie de l’accueil et du dialogue », précisant que « La Méditerranée au début du 3ème Millénaire : il n’est pas possible de lire de façon réaliste cet espace, si ce n’est en dialogue et en tant que pont – historique, géographique, humain – entre l’Europe, l’Afrique et l’Asie. »

   Dans son discours, le pape a rappelé les interrogations posées au cours de la rencontre interreligieuse d’Abou Dabi quelques mois auparavant, en février 2019 :

« comment prendre soin les uns des autres

au sein de l’unique famille humaine ? »  

   Le document sur « la fraternité humaine » avait été co-signé avec le grand Imam Al-Tayyeb.

  • Les numéros 215 à 221 de Fratelli Tutti du 3 Octobre 2020, un an après, intitulés « une culture nouvelle » Il écrit :

« La paix sociale est difficile à construire,

elle est artisanale…

Intégrer les différences est beaucoup plus difficile et plus lent,

mais c’est la garantie d’une paix réelle et solide.

Ce qui est bon, c’est de créer des processus de rencontre…

Outillons nos enfants des armes du dialogue.

Enseignons-leur le BON COMBAT de la RENCONTRE. »

  • Son message du 1er janvier 2021 : « la culture du soin comme parcours de paix ». Je le cite :

« Il est important de prendre soin les uns des autres, et de la création,

pour construire une société fondée sur les relations de fraternité…

Une culture du soin pour éliminer la culture de l’indifférence,

du rejet et de l’affrontement, souvent prévalent aujourd’hui. »

On pourrait d’ailleurs faire une recherche dans la RB sur le soin des malades, des hôtes, des objets du monastère, mais aussi de l’humanité qui doit régner entre les frères.

   Le Pape dit encore :

« La DIAKONIA des origines est devenue

le cœur battant de la doctrine sociale de l’Eglise,

d’où l’on peut tirer la GRAMMAIRE du soin :

* promotion de la dignité de toute personne humaine

* solidarité avec les pauvres et les sans défense

* sollicitude pour le bien commun

*sauvegarde de la création. »

  • et bien d’autres occasions, je ne peux ici tout citer. Le Pape y revient sans cesse, dès qu’il le peut, et il nous le demande instamment, comme JESUS dans les Evangiles, et les apôtres à sa suite, St Paul, St Pierre, St Jean…

III/ Le mystère de la VISITATION

   En réalité les Evangiles sont remplis de scènes de RENCONTRES.  Parmi elles, je retiens la VISITATION, dans l’Evangile de Luc, qui est la fête patronale de notre nouvelle fédération.  Evangile d’une RENCONTRE, s’il en fût, et quelle RENCONTRE !

   Or je viens de découvrir que le mystère de la Visitation était la référence de nos frères moines de Tibhirine pour justifier leur présence silencieuse en terre d’Islam. Je cite le P. Christian de Chergé :

« Nous sommes dans cette situation de Marie

qui va voir sa cousine Elisabeth,

et qui porte en elle un secret vivant,

qui est encore celui que nous pouvons porter nous-mêmes,

une Bonne Nouvelle vivante.

Elle l’a reçu d’un ange : c’est son secret,

et c’est aussi le secret de Dieu.

(…) Et il en est ainsi de notre Eglise qui porte en elle une Bonne Nouvelle

– et notre Eglise c’est chacun de nous –

et nous sommes venus un peu comme Marie,

d’abord pour rendre service,

mais aussi en portant cette Bonne Nouvelle,

comment nous allons nous y prendre pour la dire…

Et nous savons que ceux que nous sommes venus rencontrer,

ils sont un peu comme Elisabeth,

ils sont porteurs aussi d’un message qui vient de Dieu … »

(Extrait d’une Retraite prêchée à des FMM au Maroc en 1990)

   C’était déjà une intuition forte du P. de Foucauld, tout juste canonisé à Rome, le 15 mai dernier :

« Sans paroles,

porter JESUS au milieu des hommes,

en silence,

pour être un signe, une présence de Visitation. »

Charles de Foucauld s’est voulu petit frère universel.

Dans la RB au chapitre IV, au verset 8, St Benoît a transformé le précepte « Honorer son père et sa mère » en « HONORER tous les hommes.  Il signifie ainsi que le moine qui a quitté ses parents au nom du Christ s’ouvre du même élan à la fraternité universelle.

« Quand sait le poids biblique du mot HONNEUR

qui ne s’applique vraiment qu’à Dieu,

écrit encore le P. Denis dans la lettre de Juin 1981,

cela devient la charte de notre vie bénédictine,

… obligation d’HONORER Dieu et ses fils. »

J’aimerais relire avec vous un petit poème de notre Sœur Claire-Marie écrit à l’occasion du Bouquet de fête de toutes les communautés de ND de la Rencontre :

Rencontre…                       
un risque,  
une aventure, 
un accueil,

une Joie,
une route partagée,
une vie nouvelle, en germe…                       

 Dans la Règle de Benoît aussi on trouve le mystère de la Visitation :

  • d’abord par l’accueil mutuel les uns(nes) des autres
  • par l’accueil de nos hôtelleries, les rencontres qu’on peut y faire.  On peut d’ailleurs en faire aussi quand on va chez le médecin, ou quand on va voter tout simplement
  • ensuite par la présence silencieuse et priante de nos monastères au milieu du monde.

   Il n’est pas besoin de beaucoup de paroles, bien plutôt d’écoute et de bienveillance pour « re susciter » chez l’autre la parole qu’il porte en lui-même, peut-être sans le savoir…

Pour ne pas conclure …

 Mais… ce n’est pas tout : encore un peu de patience !! Je reviens, pour terminer, à la lettre du P. Denis HUERRE.  Je le cite :

« Deux mots de la Règle s’imposent à moi,

et j’aime les laisser chanter,

non seulement pour exprimer la conversion de Benoît dans sa grotte,

mais notre propre conversion. »

   Les deux mots dont parle le P. Denis sont NOVITER VENIENS qui ouvrent le chapitre 58 de la RB : « De la manière de recevoir les frères ».  On ne peut traduire par « nouveau venu », car ce serait trop réduire le sens, aussi je cite le premier verset du chapitre :

« Quand quelqu’un arrive pour mener la vie religieuse,

on ne le laisse pas facilement entrer.

Mais on suit le conseil de l’apôtre Jean :

« Cherchez à savoir si l’esprit qu’ils ont

vient de Dieu. »  (1Jn 4, 1)

  Le P. Abbé Denis reprend :

« J’aime une telle appellation,

parce qu’elle est faite de deux mots-clés du Nouveau Testament :

NOVUS, VENIRE.

A chacun de refaire la lecture de sa Bible,

l’attention attirée par l’un et l’autre.

Il sera sans doute émerveillé de ce qu’ils signifient,

de ce que peut signifier leur usage simultané.

Dieu est là, il appelle.

Le Christ vient, l’Esprit vient, l’homme vient,

et se réalise alors l’inattendu, l’indicible,

un nouvel homme, un monde nouveau.

NOVITER VENIENS,

tel était Saint Benoît à Subiaco,

tel nous fûmes à notre tour, demandant d’être reçues au monastère,

tels nous restons,

à condition de ne pas cesser de venir, de revenir,

et de désirer ardemment la nouveauté de notre cœur. »

Ad libitum si je n’ai pas dépassé l’heure…

Je vous laisse donc avec ces deux pistes : je les ai commencées, et je peux vous assurer que cela vaut le coup !  Le P. Denis avait raison : on reste émerveillée !

D’autre part, au début de cette recherche, j’avais commencé par relire toute la RB en m’arrêtant chaque fois que je trouvais le mot FRERE.  Je n’en suis qu’au chapitre 24, mais je vous assure que cela fait une belle lectio aussi !

Si ça vous dit ?  Belle lectio !

LIVRES

  • Guillaume Jedrzejczak, Sur un chemin de liberté, commentaires de la Règle de saint Benoît jour après jour, Edition Anne Sigier, 2006
  • Marie-Madeleine Caseau, Qui que tu sois… Au fil des jours avec saint Benoît, Saint-Léger éditions, 2015
  • Aquinata Böckmann, Commentaire de la Règle de saint Benoît, Cerf, 2018
  • Michael Casey, David Tomlins, Introduction à la Règle de saint Benoît, Programme de formation, La Tradition source de vie 3, Edition de Bellefontaine, 2013
  • Pierre Miquel, La vie monastique selon saint Benoît, Edition Beauchesne, 1979
  • Aquinata Böckmann, Apprendre le Christ, à l’écoute de saint Benoît, Vie Monastique n°41, Edition de Bellefontaine, 2002
  • Pierre Alban Delannoy, La Règle de saint Benoît, chemin de vie pour les laïcs, Albin Michel, 2015
  • Will Derkse, Pour une convivialité retrouvée, spiritualité bénédictine pour la vie quotidienne, Edition Fidélité, 2009
  • Anselm Grün, Saint Benoît, un message pour aujourd’hui, DDB, 2005
  • Joan Chittister, Une sagesse au fil des jours, la spiritualité bénédictine pour tous, Cerf, 1994
  • Esther De Waal, La voie du chrétien dans le monde, à la poursuite de Dieu selon la Règle de saint Benoît, Cerf, 1986

FILMS

  • sur les oblats bénédictins, le film « Un chemin de perfection » : LE FILM sur les oblats !!