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Qui sont les oblats bénédictins

Dernière mise à jour : 12 août




D’où viennent les oblats ?


« Le mot oblat vient du latin et signifie “offert”. Au cours de l’histoire il recouvre des réalités très différentes », explique Bernard Hautecloque, historien de formation, oblat bénédictin. Rédigée au VIe siècle, la Règle de saint Benoît mentionne au chapitre 59 une oblature infantile. La coutume voulait que des familles offrent un de leurs enfants à un monastère, afin d’y être éduqué et de devenir moine. Les parents versaient une dot au monastère afin de pourvoir à sa vie quotidienne et à son éducation. Ce fut le cas de Bède le Vénérable au VIIIe siècle et de Hildegarde de Bingen au XIIe siècle, qui entra à 8 ans au monastère de Disibodenberg (actuelle Allemagne) dont sa tante était l’abbesse.

Parallèlement, on voit aussi des adultes « se donner » à un monastère. Christian Fénelon Mathieu, qui vient de publier une histoire de l’oblature bénédictine (1), cite l’exemple d’Ada de Roucy, oblate du XIe siècle. Rattachée à l’abbaye de Liessies dans le nord de la France, elle encourage et soutient les moines pris de doute, et, bonne cavalière, remplit aussi des missions diplomatiques, tandis que d’autres oblats travaillent la terre ou apportent leurs talents artistiques.

C’est au XIIe siècle qu’apparaît la mention des oblats chez les camaldules, une branche italienne des bénédictins. « Plutôt qu’un statut, l’oblature est un rôle. Les oblats vivent au monastère sans être moines. Ils sont considérés comme des semi-religieux », résume Christian Fénelon Mathieu. L’oblature disparaît en 1790, à la Révolution française, au moment de la suppression des ordres et des congrégations religieuses. Elle réapparaît en 1869 à l’abbaye de Solesmes, à la faveur de la restauration de l’ordre bénédictin menée par l’abbé Dom Guéranger.

On compte parmi les oblats bénédictins des personnalités célèbres comme les écrivains français Joris-Karl Huysmans (1848-1907), Paul Claudel (1868-1955) et Max Jacob (1876-1944), les théologiens Jacques Maritain (1882-1973) et Maurice Zundel (1897-1975), l’homme politique et « père de l’Europe » Robert Schuman (1886-1963), le pape Jean XXIII (1881-1963), la militante nord-américaine pour la justice sociale Dorothy Day (1897-1980).

On dénombre actuellement 27 000 oblats bénédictins dans le monde, avec une croissance importante en Afrique et en Asie. L’Europe en compte 9 400, principalement en Italie, en Allemagne et en France, où ils sont plus de 2 000.

Comment devient-on oblat ?


L’oblature est ouverte à toutes et tous, quels que soient le milieu social, l’âge, le sexe, l’état de vie (marié, célibataire, divorcé, laïc, prêtre, diacre, couple, etc.) ou l’appartenance à d’autres mouvements ou groupes chrétiens (scoutisme, mouvements familiaux ou de solidarité, etc.).

Les motivations pour devenir oblat s’enracinent dans le désir de vivre plus profondément sa foi chrétienne en s’inspirant de la Règle de saint Benoît et en lien avec un monastère bénédictin particulier – ces deux caractéristiques distinguent cette démarche d’autres formes d’engagements laïcs liés à des grandes familles spirituelles (tiers ordre franciscains, ordre des carmes déchaux séculiers, fraternités laïques dominicaines, laïcs et religieux assomptionnistes en alliance). Elle ne concerne pas non plus les religieux ou religieuses dont le nom de la congrégation utilise le mot « oblat » (Oblates de l’Assomption, Oblats de Marie-Immaculée…).

« La Règle de saint Benoît m’a parlé au cœur. Elle me rappelle combien tout est prière. Elle m’aide à prêter une attention minutieuse aux petites choses du quotidien : les rencontres, les événements, le travail… Elle m’apprend à considérer comme sacrés les gens, les choses, la création. C’est un vrai soutien pour ma foi », dit Marie Mengarelli, présidente du secrétariat des oblats et des oblatures bénédictines (2).

Tous les monastères bénédictins sont habilités à recevoir des oblats, hommes et femmes, mais la décision d’admettre ou non un candidat à l’oblature appartient à l’abbé et à son délégué. Différentes étapes sont prévues : l’admission ouvre une période de formation centrée sur l’étude de la règle rédigée par Benoît de Nursie (480-547), le fondateur de la vie monastique en Occident ; elle comporte 73 chapitres. L’entrée en oblature est marquée par une liturgie, souvent au moment de l’Eucharistie en présence de la communauté monastique élargie (moines et hôtes). Elle est marquée par la récitation du Suscipe, tirée du psaume 118 (« Accueille-moi Seigneur… », lire ci-contre) et « associe désormais les gens du cloître et les gens de la rue dans le même désir de ne rien préférer à l’amour du Christ », indique le livret de préparation de l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire. Dans certains monastères, cet engagement se matérialise par la signature d’une « charte d’oblation », la remise symbolique d’une médaille de saint Benoît…

La proximité de l’oblat avec la communauté peut aller jusqu’à vivre au monastère, en partageant entièrement la vie quotidienne des moines ou moniales. L’oblat peut même revêtir l’habit, à ceci près qu’il ne prononce pas les vœux proprement monastiques.


À quoi s’engage un oblat ?


L’engagement, reçu par l’abbé ou l’abbesse, comporte plusieurs dimensions : la prière en fonction des disponibilités de l’oblat (encore en activité ou retraité) ; un lien personnel avec la communauté (visites régulières, accompagnement spirituel) ; la participation à des rencontres réservées aux oblats (retraite, formation) ; une aide effective apportée au monastère, en fonction des besoins, des possibilités et des compétences de chacun.

« Par leur insertion dans la société, les oblats nous ouvrent une fenêtre sur le monde, dit sœur Scholatisque, qui est la référente d’une quarantaine d’oblats à l’abbaye de Pradines (Loire). Leur façon de vivre la Règle de saint Benoît nous en fait découvrir d’autres facettes : l’importance qu’ils accordent à la sobriété ; la place de l’hospitalité et de la fraternité dans leurs relations au travail, la recherche d’un équilibre entre la prière et leur vie quotidienne… Nous avons la grande responsabilité de les accompagner et de les soutenir. »

En septembre 2023, lors du congrès mondial des bénédictins à Rome, le pape François a rappelé la singularité de cette oblature qui vise à faire « rayonner l’Évangile dans la vie, à travers la vie ». Et le pape de préciser : « Comme les moines, qui se réapproprient les lieux où ils vivent et rythment leurs journées avec assiduité, vous êtes appelés à transformer, là où vous vivez, les contextes quotidiens, en opérant comme le levain dans la pâte, avec compétence et responsabilité, et dans le même temps avec douceur et compassion. »

(1) Écoute… tu parviendras. Histoire de l’oblature de l’Ordre de saint Benoît, Éd. Saint-Léger, 530 p., 26 €.

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Un antique engagement


Le mot oblat d’origine latine signifie « offert ». Il apparaît dans la règle rédigée au VIe siècle par saint Benoît, père du monachisme occidental.

Initialement instituée pour les enfants, l’oblature désigne aujourd’hui l’engagement que prend un laïc adulte de mener sa vie quotidienne dans l’esprit de la Règle de saint Benoît en lien avec un monastère bénédictin particulier.

Cette « offrande de soi » se traduit par une prière et une méditation des Écritures, ainsi que des temps de retraite, de formation et de service au monastère.

On dénombre actuellement plus de 9 000 oblats en France, 27 000 dans le monde.

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Prière d’oblation bénédictine

« Accueille-moi Seigneur selon ta parole, et je vivrai : ne déçois pas mon attente » (Psaume 118, 116)

Accueille-moi, Seigneur, tel que je suis, tel que tu m’as façonné dès le sein de ma mère. Reçois-moi parce que je frappe à la porte. Je t’appelle, réponds-moi. Accueille-moi, avec mes faiblesses, avec mon passé. Accueille aujourd’hui le don que je fais de moi-même. Reçois-moi demain et après-demain ; même si moi je t’oublie, car toi tu ne m’oublies pas ! Accueille-moi, selon ta parole. Ta Parole fait ma joie et les délices de mon cœur. Ta Parole me transforme. Mets sur mes lèvres ta Parole de vérité. Ne me reprends pas ton Esprit Saint, que ton Esprit me guide et me conduise. Si tu me reçois, je vivrai. Accueille-moi pour que je vive en ta présence, pour que je m’efface devant l’immensité de ton amour. Accueille-moi pour que je puisse te contempler. Tu me reçois dès ici-bas pour que je vive de ta Parole, de ton Corps et de ton Sang. Alors, j’en suis sûr, tu ne décevras pas mon espérance.

Prière d’oblation de l’abbaye de Fleury à Saint-Benoît-sur-Loire (Loiret).


Journal La Croix, Gilles Donada, le 01/02/2024

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