Réviser au monastère : quand des étudiants trouvent le calme idéal pour préparer leurs concours
- Prière des Heures
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À l’abbaye Notre-Dame de Jouarre, en Seine-et-Marne, les sœurs bénédictines accueillent régulièrement des jeunes venus préparer leurs concours. Un cadre propice, des offices quotidiens et un repas en silence permettent aux étudiants de se recentrer. Reportage.
Ève Figuière
Publié le 16/05/2025 à 11h16, mis à jour le 16/05/2025 à 11h16
Les étudiants révisent dans une salle de l'abbaye Notre-Dame de Jouarre • NICOLAS FRIESS / HANS LUCAS POUR LA VIE

Le mouvement mécanique des aiguilles de l’horloge résonne dans l’étroite salle rectangulaire. La fenêtre à petits carreaux donne sur la grille d’entrée de l’hôtellerie. De là, sœur Marie-Bernard peut facilement repérer ceux qui pénètrent dans l’abbaye située en Seine-et-Marne, à 70 kilomètres à l’est de Paris. La communauté bénédictine de Notre-Dame de Jouarre reçoit fréquemment des visiteurs : retraitants, étudiants en période de révisions ou particuliers en quête de calme, à chacun sa couleur.
« Accueillir les autres fait partie de notre vie », précise la religieuse, vêtue d’un habit noir et d’un voile blanc. Sur la table de son bureau, l’écran de l’ordinateur affiche un tableau coloré type Excel. Cette semaine, ils sont neuf étudiants : cinq filles et quatre garçons, tous en classes préparatoires. « J’en accueille pas plus de dix, afin qu’ils aient un espace suffisant pour travailler, précise la sœur hôtelière. En général, ils ne restent pas dans leurs chambres et aiment venir réviser dans une salle, s’encourager, créant ainsi une émulation. »
Une bulle apaisante
Pour passer quelques jours de révisions à l’abbaye, il faut montrer sa motivation. « Trouver un cadre paisible pour préparer mes concours », « assurer des révisions sérieuses dans un lieu de foi et de calme », « me retirer du monde pendant une semaine », « un endroit serein idéal pour se concentrer » : chacun explique au préalable et par écrit ses intentions. Ce lieu est en effet un remède à la distraction. D’une part, il propose un cadre bien défini : accueil de petits groupes, chambres individuelles, pièce de travail commune et éloignée de toute forme de distractions.
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D’autre part, les journées sont organisées : Wi-Fi coupé le soir, deux offices par jour obligatoires et repas à heures fixes, dans le silence. « Ici, je m’impose un rythme », témoigne Héloïse, étudiante de 19 ans en prépa scientifique à Fénelon Sainte-Marie (Paris VIIIe). Venue pour une semaine, elle se contraint à ne pas travailler dans sa chambre : « Avec la prépa, je me suis toujours dit que la chambre était un lieu de repos, où je peux penser à autre chose. »
Les chambres sont à l’étage ; une fois descendus, les jeunes ne remontent qu’en cas de nécessité.Dans la salle de travail lumineuse, avec vue sur le jardin fleuri où ils sont réunis pour étudier, la concentration règne. Casques, écouteurs ou bouchons d’oreilles, chacun crée sa bulle à sa manière. Cheveux bruns attachés et l’air déterminé, Axelle vient pour la troisième fois de l’année. Cette étudiante en prépa scientifique à Pasteur de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) arrive toujours à la même conclusion : « L’ambiance est plus propice à la concentration que dans une bibliothèque universitaire, où je suis facilement dissipée, alors qu’ici, le fait qu’on soit peu nombreux m’aide beaucoup ! »
« On ne pense à rien d’autre qu’au travail »
Cette semaine, les filles ont réuni des tables pour s’installer autour, tandis que les garçons occupent chacun leur bureau, face au mur. Edern, étudiant de 19 ans en classe prépa commerce à Notre-Dame du Grandchamp, à Versailles (Yvelines), revient pour la seconde fois. Tous les après-midi, il fait une annale de mathématiques pendant 4 h 30 « non stop ». Alors qu’il vient de mettre le chronomètre de son téléphone en pause, le jeune étudiant précise qu’il ne peut pas se permettre une interruption de plus d’un quart d’heure, sous peine de « perdre le fil ». Son objectif : finir avant le dîner. « Ici, on se sent entre de bonnes mains. On est en confiance, dans un environnement agréable, avec des gens bienveillants. Donc on ne pense à rien d’autre qu’au travail. » Il souligne n’avoir trouvé ce cadre que dans une abbaye.
Finalement, « c’est le bon compromis », renchérit Joseph, un ami de prépa d’Edern : « super espace, super concentration ». Et le Wi-Fi coupé le soir ? « Je me suis douté qu’il n’y aurait pas de connexion, donc j’ai pris un livre au cas où », répond-il tout sourire. Car en plus du Wi-Fi coupé, le réseau 4G ne fonctionne pas très bien… Le soir, Nina, étudiante de 20 ans en classe prépa littéraire à Jules Ferry (Paris IXe), prend du temps pour relire ses cours. « Je ne vais pas apprendre, mais juste faire une relecture, ensuite je prie et je m’endors », confie-t-elle. Tous les éléments convergent pour des révisions optimales.
Ora et labora
Pour la jeune fille au regard enjoué, réviser dans une abbaye revêt un sens particulier. « C’est sur les conseils de mon accompagnatrice au catéchuménat que je suis venue », explique celle qui a reçu le baptême le mois dernier, lors de la vigile pascale. Elle considère cette occasion comme « une chance de pouvoir concilier la dimension spirituelle avec des moments de travail et d’avoir le soutien de Dieu, comme un roc et un bouclier ». À Notre-Dame de Jouarre, les sœurs se rendent disponibles pour échanger avec les jeunes, et Nina aimerait se ménager du temps dans sa semaine pour répondre à cette proposition : « J’ai toujours discuté avec des prêtres, et j’aimerais beaucoup le faire avec une sœur, on n’a pas souvent cette occasion ».
La communauté, dont la vie est rythmée par six offices quotidiens, demande aux jeunes de participer à deux d’entre eux, qui durent une quinzaine de minutes : sexte, avant le déjeuner, et les complies, après le dîner. « Ça permet une coupure dans le quotidien rapide de la prépa. Ce sont des temps d’introspection », constate Axelle, apaisée par ces moments calmes et spirituels. En revanche, elle ne saisit pas encore le bénéfice des repas pris en silence, avec un fond musical : « J’ai trop l’habitude de parler… », avoue-t-elle. Faire la vaisselle et mettre la table pour le repas suivant sont les seuls services demandés aux étudiants. « Ça fait partie du contrat », affirme Axelle. Pour le séjour (nuit, repas, cadre), sœur Marie-Bernard mentionne que « chacun laisse ce qu’il peut ! ». L’accueil sera, quoi qu’il en soit, toujours aussi fraternel.
Plusieurs communautés reçoivent des étudiants en région parisienneLes bénédictines de l’abbaye Notre-Dame de Jouarre (Seine-et-Marne).La maison d’accueil franciscaine La Clarté-Dieu à Orsay (Essonne).Le foyer de Charité de la Part Dieu de Poissy (Yvelines).Le centre spirituel ignatien Sophie-Barat à Joigny (Yonne).Mais il en existe partout en France : carmel du Havre, centre spirituel de l’Esvière, à Angers, animé par la communauté Fondacio, La Roche du Theil, d’inspiration eudiste près de Redon, abbaye des Dombes avec le Chemin neuf, cisterciens de Cîteaux ou de Lérins, sœurs trappistes d’Échourgnac, bénédictins de Ligugé, la Pierre-qui-Vire, Notre-Dame de Maylis… Le site Ritrit répertorie ainsi près d’une centaine de lieux.Renseignements : www.ritrit.fr/retraite/examens
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