Dom Guéranger et l'oblature bénédictine aujourd'hui
Dom Guéranger et l’oblature bénédictine aujourd’hui
par D. Jean-Pierre Longeat, Moine de Ligugé
Dom Guéranger est à l’origine du rétablissement de l’oblature dans l’Ordre de saint Benoît après plusieurs siècles d’interruption. Cette œuvre a accompagné celle de la restauration de la vie bénédictine au 19ème siècle. Dom Guéranger était très convaincu de son utilité et a pris le temps de réfléchir à ce projet avec une grande prudence face aux évènements que la Providence a suscité en ce sens.
Il est important, dans un premier temps de revenir sur les sources de cette institution séculaire de l’oblature. Elles posent les bases d’une association entre les fidèles laïques et les moines regroupés en communauté. Cette question reste d’actualité. Il sera utile de tirer les leçons de l’histoire et de l’intuition de Dom Guéranger, pour imaginer une progression dans l’association des laïcs à la vie monastique aujourd’hui.
I. La Règle de Saint Benoît
Le chapitre 59 de la Règle de saint Benoît règlemente l’oblature des enfants qui sont présentés au monastère par leurs parents. Il y est décrit le rite de la déposition de la pétition rédigée par les parents avec l’offrande (celle du pain et du vin pour l’eucharistie) enveloppées avec la main de l’enfant dans la nappe, sur l’autel.
Les enfants concernés ne portent pas directement le titre d’oblats et ce terme n’est en fait mentionné nulle part dans la Règle. C’est un véritable engagement monastique qui vise à assurer la stabilité de ceux qui se lient ainsi à la vie du monastère et qui ne peuvent revenir sur cet engagement à l’âge adulte. Sur ce point, la RB est plus sévère que d’autres règles antérieures ou contemporaines.
II. Jalons historiques
Notre propos concernant l’oblature séculière des adultes ne trouve donc pas son origine dans ce chapitre de la RB. C’est au 11ème siècle que l’on voie apparaître dans les Congrégations d’Hirshau en Allemagne et de Cluny en France, des oblats adultes. Selon les propos de MP. Deroux, il semble que « La cause principale de l’introduction des frères convers et des oblats dans les monastères doive être cherchée dans la désaffection des moines pour le travail manuel. » L’investissement liturgique, notamment dans la Congrégation de Cluny ne permettait plus le même rendement des moines dans les activités de travail manuel. L’introduction de famuli pour aider les moines dans leurs activités ordinaires est très probablement à l’origine du recrutement des oblats, sans être la seule. Les noms donnés à ces laïcs se joignant à la communauté monastique sont très variés : oblati, familiarii, fratres conscripti, laici conversi, prebendarii, donati, etc. et dénote des origines diverses.
A Hirshau, au 11ème siècle et dans la suite, « tous les laïcs vivent dans la clôture ou dans ses alentours. Ils sont vis-à-vis du monastère, dans une certaine dépendance et un lien religieux à peu près semblable les rattache sans qu’aucun d’eux ait un statut précis. » L’Abbé Guillaume d’Hirshau est à l’origine d’une première élaboration d’un statut pour tous ces laïcs joints au monastère. La relation de l’oblat au monastère reste souple : il fait don d’une partie ou de tout ses biens à la communauté ; il fait don de sa personne par une promesse d’obéissance à l’Abbé. Il est considéré comme faisant partie de la famille monastique. Mais l’Abbé peut le relever de sa promesse d’obéissance. Souvent le monastère confie des charges matérielles ou administratives à ces laïcs qui sont souvent des notables.
Cette institution perdurera jusqu’au 16ème siècle. Elle perd progressivement toute vitalité avant de renaître sous une nouvelle forme au 19ème siècle.
III. L’oblature dans la Congrégation de France
L’histoire de la restauration de l’ancienne institution des oblats dans l’Ordre bénédictin au 19ème siècle est complexe. Nous ne voulons en donner ici le détail, mais simplement insister sur quelques dimensions de cette restauration pour alimenter notre réflexion présente.
Un premier état du lien entre des laïcs et les monastères de la Congrégation de France se fit sous le mode de l’affiliation telle qu’elle se pratiquait dans d’autres ordres comme celui des trappistes. Cette pratique était essentiellement spirituelle : elle assurait les personnes qui en bénéficiaient des prières du monastère à leur intention souvent comme un signe de reconnaissance.
Les premiers oblats, au sens où nous l’entendons aujourd’hui, firent leur apparition en 1868. Ils sont appelés à s’inspirer de la Règle de saint Benoît, mais aussi des écrits de sainte Gertrude et de suivre le calendrier bénédictin, spécialement pour les jours de solennités. Pourtant Dom Guéranger avait en tête un projet plus développé qu’il ne put jamais proposé dans toute son ampleur.
L’expérience d’un lien privilégié entre le monastère de Sainte-Madeleine de Marseille et des prêtres du diocèse qui souhaitaient se structurer en confrérie invite Dom Guéranger à préciser que pour lui, l’oblature n’est en rien semblable à un tiers-ordre.
Sur l’insistance maintes fois répétée de dom Le Menant des Chesnais, Prieur de Sainte-Madeleine, quelques temps avant sa mort, Dom Guéranger dicte une petite Règle pour les oblats en 1874. Ce texte vient d’être publié dans le Bulletin des Amis et Oblats de l’Abbaye Sainte-Marie de Paris. Dom Guéranger ne voit dans cette Règle qu’une ébauche d’un écrit plus important. Il disait lui-même à ce sujet : « Je veux quelque chose de grand, de solide, de beau, qui procure la gloire de Dieu » (A Dom Gauthey, en 1974).
Ce qui est le plus caractéristique dans cet écrit comme en bien d’autres de Dom Guéranger, c’est la largeur de vue du propos. Il ne s’agit pas de copier la vie monastique, mais d’être authentiquement chrétien « en s’appuyant sur les moines qui ne sont en réalité que des chrétiens parfaits attachés uniquement au Christ ». Le terme de « parfaits » concernant les moines est évidemment lié à la perception que l’on avait de la vie religieuse comme état de perfection. Ce qui est important ici, c’est de percevoir à quel point Dom Guéranger insiste sur la qualité de chrétiens tant pour les moines que pour les oblats. S’ils sont d’abord des chrétiens, les oblats se reconnaîtront en tout premier lieu comme membres de l’Eglise, vivant dans une attention particulière à l’esprit dans lequel elle vit : « Ainsi les oblats sont avant tout de vrais chrétiens ; leur vie est simplement la vie de la foi, leur esprit propre est uniquement l’esprit chrétien dans sa plénitude, autrement dit l’esprit de l’Eglise. » Dans le même sens à la question « Quels sont ceux qui pourront être reçus ? », Dom Guéranger répond : « Tous ceux qui voudront vivre chrétiennement suivant ces règles. » et au chapitre « De l’habit des oblats » : « Ils porteront sous leurs habits un scapulaire noir et une petite ceinture de cuir, et ils ne se distingueront en rien à l’extérieur que par la simplicité et la modestie de leurs vêtements et de leur maintien. » Les termes de cette dernière description font incontestablement penser à la description de la vie des chrétiens dans l’Epitre à Diognète.
IV. Dom Guéranger et l’Eglise
1. Le statut des Oblats de S. Benoît
Il faut nous arrêter ici sur cette conception primordiale de Dom Guéranger. Toute sa pensée et toute son action trouvent leur origine dans une vision universelle de l’Eglise. Ce point a été remarquablement mis en valeur lors du dernier Colloque sur Dom Guéranger, à l’Abbaye Saint-Pierre de Solesmes du 4 au 8 avril 2005, à l’occasion du deuxième centenaire de sa naissance.
Pour Dom Guéranger, l’Eglise est l’Epouse du Verbe incarnée, le Corps Mystique du Christ, autant de notions qui sont encore peu employées à cette époque et par rapport auxquelles le Concile de Vatican I tentera d’amorcer une réflexion. Ces thèmes doivent sûrement au renouveau de l’ecclésiologie allemande avec Moehler et aux propositions de La Mennais et de ses amis. L’Eglise est donc le prolongement historique de l’Incarnation du Verbe.
S’il y a insistance chez Dom Guéranger sur la liturgie, c’est parce que les rites sont les signes visibles du Christ dans son Corps qui est l’Eglise. La liturgie est « le langage de l’Epouse du Christ » Par ailleurs, Dom Guéranger se montre sensible à la grande Tradition patristique qui inscrit la vie de l’Eglise dans un enracinement auquel sa vocation l’incline à être attentif. La liturgie romaine soutient cet intérêt patristique plus alors que les missels des diocèses français dont il finit par dénoncer la modernité et la banalité de ton. Ainsi tant par la tradition que par la liturgie, Dom Guéranger souhaite élargir constamment sa pensée aux dimensions de l’Eglise aussi bien dans son profond enracinement historique que dans son universalité, sa catholicité. C’est pourquoi il se fera aussi l’ardent défenseur du ministère du Pape.
Lorsque Dom Guéranger envisage sérieusement de restaurer le Prieuré de Solesmes, son propos est tout entier « au service de l’Eglise ». Il a le désir de fonder là une véritable université ou académie, de publier ‘un journal de la science ecclésiastique’, de créer une imprimerie pour reproduire les éditions mauristes des Pères. Dom Guéranger souhaite donc servir l’Eglise en créant un lieu d’études saintes et de prières, notamment liturgiques dans l’esprit de la Règle bénédictine.
Pour lui le monachisme comme on l’a déjà dit est une forme de vie chrétienne. Il n’y a pas du tout chez Dom Guéranger l’idée de reconstituer un monachisme d’une autre époque ; il est extrêmement sensible à un monachisme contemporain, inséré dans l’Eglise de son temps, pour être « prêt à rendre des services en tout genre dans la sainte liberté de l’Esprit de Dieu » Il est bien évident cependant que les services rendus viennent en second après l’engagement à la prière et à la vie fraternelle, c’est-à-dire au témoignage à l’intérieur du monastère.
La vie monastique est comme le cœur du grand corps ecclésial. Pour Dom Guéranger, la vie de ce corps s’exprime et se déploie par la liturgie et l’étude comme activités principales. Mais ces deux domaines sont approfondis en rapport avec la vision de l’Eglise : un enracinement dans sa tradition antique afin d’être le plus universel possible et une liturgie demandée par Rome pour donner à l’Eglise de ce temps, une image la plus large possible.
V. L’Eglise et la société de la louange divine
Ce texte a aussi été rédigé quelque temps avant la mort de Dom Guéranger. Il n’était pas dans son esprit un règlement pour les oblats, mais un opuscule général pour tous ceux qui voulaient s’associer à la prière des moines.
Cet ouvrage nous intéresse pour la théologie qui le soutient et qui confirme les réflexions précédentes. Le titre lui-même place en tête le souci de l’Eglise et non celui de la vie monastique prise pour elle-même. Le principe de l’Incarnation et de son prolongement dans l’Eglise est réaffirmé dès la première page. La communion ecclésiale est le meilleur moyen de rejoindre le Christ, époux de l’Eglise. C’est pourquoi Dom Guéranger prêche « la plus profonde soumission d’esprit et de cœur à cette Eglise sainte. » Et tout aussitôt, il met l’accent sur l’attention à la liturgie : les sept sacrements, le saint Sacrifice de la Messe « qui est le même que celui de la Croix, la sainte communion que l’on ne doit pas isoler du saint Sacrifice et que l’on doit être empressé à fréquenter. Il recommande aussi une piété tendre et profonde envers la très sainte et immaculée Mère de Dieu. L’attention de Dom Guéranger à la Mère de Dieu et tout spécialement à son Immaculée Conception est à situer en étroite relation avec le mystère de l’Incarnation. Il préconise aussi une dévotion fervente envers les Anges, les Saints et la vénération des saintes Reliques et des saintes Icônes, ainsi que l’estime des pèlerinages. Enfin, pour s’unir à l’esprit de la sainte Eglise, les fidèles seront attentifs à honorer le pontife romain. Ils auront du respect et un esprit de soumission pour leur Evêque. Et ils seront soucieux de contribuer à donner à l’Eglise des ministres capables d’instruire sur la doctrine, zélés pour le règne de Jésus-Christ et pour la sanctification des âmes.
Après quoi, Dom Guéranger voulait resituer à l’intérieur de cette démarche, l’état religieux, mais il n’eut pas le temps de le faire. Il revient donc sur la vocation chrétienne en général. Il demande que l’on ait une estime particulière pour le beau nom de chrétien et pour le « surnom » de catholique. Il appelle à préférer toujours, en fait de dévotions et d’objets du culte, ce qui porte l’empreinte du pouvoir céleste qu’exerce la sainte Eglise, avec une attention particulière au Calendrier liturgique.
C’est pourquoi, Dom Guéranger propose pour une Association de fidèles « afin d’aider à la conservation et à l’accroissement de cet esprit ecclésial. Cette Association invite aux pratiques suivantes :
La participation à la messe solennelle (avec communion si possible) pour les dimanches et fêtes en s’efforçant de pénétrer et goûter le sens, à en connaître l’antiquité et l’institution….
L’attention aux chants avec l’aide de traductions sans faire autre chose pendant la liturgie que de mettre tout son soin à la suivre en s’y unissant profondément par l’intelligence et le sens spirituel.
La fréquentation des Offices divins, spécialement les dimanches et jours de fête sous la forme des Heures canoniales telles qu’elles peuvent être célébrées selon la règle canonique en certaines églises comme la Cathédrale. Les associés alimenteront leur prière personnelle en se servant des prières de l’Eglise comme expression de leurs sentiments.
La pratique de l’oraison en vue de l’union à Dieu.
Dom Guéranger termine son opuscule en évoquant les différents temps liturgiques et leur apport spécifique.
Ce texte est tout à fait instructif sur l’esprit que dom Guéranger souhaite voir régner chez les fidèles qui veulent s’unir à son projet d’association. Ce qui compte avant tout, c’est le témoignage de l’Eglise comme Corps du Christ prolongeant en ce monde le mystère de son Incarnation.
VI. Les oblats et la vie monastique aujourd’hui
La théologie de Dom Guéranger reste plus que jamais d’actualité. Le mystère de l’Eglise est au centre des préoccupations chrétiennes actuelles. La constitution Lumen Gentium consacre un chapitre entier à la sainteté pour tous. Le laïcat retrouve toute sa place dans la vie de l’Eglise et l’engagement spirituel reste un élément tout à fait capital dans la vie de tout chrétien. On peut même dire qu’aujourd’hui, nous sommes attendus sur le terrain d’une pastorale spirituelle pour laquelle les oblats de nos monastères peuvent être très moteurs.
Pour faire droit aux différents niveaux d’association avec le monastère, je voudrais souligner l’importance du prochain congrès des oblats bénédictins proposé par le P. Abbé Primat en septembre 2005. C’est la première fois que des oblats bénédictins vont ainsi se retrouver autour du Primat à Rome. Le caractère universel de cette expérience va bien dans le sens de Dom Guéranger même si ce dernier ne préconisait guère les réunions d’oblats. Si l’oblature est importante aujourd’hui, c’est qu’elle permet à certaines sensibilités d’être ainsi affermies dans la foi pour annoncer l’Evangile de Dieu en Eglise. Nous attendons de ce Congrès qu’il ouvre des perspectives sur l’oblature en relation avec la doctrine de Vatican II.
Solitude et communion. L’oblat aujourd’hui est marqué par le fait que son association à une communauté monastique est une démarche individuelle mais aussi un témoignage communautaire. On sait que l’équilibre est difficile à tenir mais il est capital, car il y a là l’un des problèmes majeures de nos sociétés occidentales : la dimension individuelle de tout engagement est mise en avant et par ailleurs, la recherche de la communauté est constante sans pour autant toujours aboutir. Cette tension peut s’exprimer en termes monastiques : solitude et communion. Les oblats, dans la souplesse mais aussi l’exigence de leur engagement peuvent heureusement en témoigner.
Communautés d’Eglise. L’une des questions majeures de la vie des Eglises aujourd’hui est celle du témoignage et de la pertinence des communautés chrétiennes. Les paroisses ne suffisent plus à ce témoignage. Il est nécessaire que la vie des communautés locales soit complétée par des ensembles plus larges. Il me semble qu’il y aura là un point à creuser. La communauté monastique pourrait faire partie d’un regroupement de chrétiens sur un territoire donné avec un témoignage commun où prêtres, diacres, laïcs, religieux, religieuses et moines joueraient leurs rôles respectifs mais avec un souci commun de témoignage évangéliques qui passerait aussi par des temps de prière communs ainsi que des temps d’approfondissement de la foi et de partage fraternels.
Enfin, il faut dire ici un mot des laïcs associés, autrement dit des laïcs qui partagent en tout ou en partie la vie d’une communauté. Comme on l’a vu, cette réalité n’est pas nouvelle, le Moyen-Âge l’a déjà mis en œuvre. Qu’en est-il aujourd’hui ? Des essais sont en cours. Différents types de problèmes se posent, au niveau canonique et juridique.
D’un point de vue canonique et théologique, le problème réside dans le fait de réunir dans une même communauté des personnes qui n’ont pas le même statut. A Ligugé, nous avons tenté de légiférer un peu sur cette question. Je peux vous donner un écho du statut de nos Laïcs associés qui actuellement sont au nombre de deux.
Statut des Laïcs associés
De tous temps, les communautés monastiques ont accueilli des personnes laïques qui souhaitaient partager leur vie de prière et de travail pour une durée plus longue que celle d’un temps de retraite à l’hôtellerie. Aujourd’hui encore, les monastères reçoivent cette demande. Nous donnons ici quelques règles à ce sujet.
Les situations des personnes accueillies peuvent être variées, mais il est important que des règles de vie commune soient précisées afin que, nul n’étant censé ignorer la loi, toutes difficultés soient évitées.
Il s’agit là d’un accueil spirituel et fraternel de type monastique pour des personnes qui en font clairement la demande et non de l’accueil de personnes en difficulté auxquelles le monastère viendrait en aide et qui reçoivent habituellement le titre de familiers.
Cadre général
Le nom donné à ces personnes est celui de « Laïcs associés ».
Un moine est nommé comme responsable des Laïcs associés. Il assure leur introduction dans la vie du monastère selon leur statut propre. Son rôle consiste essentiellement à répondre aux demandes formulées par les laïcs associés et à veiller au bon ordre dans le cadre de leur présence dans le monastère.
Lorsqu’un laïc frappera à la porte du monastère avec un projet, on n’accèdera pas trop facilement à sa demande mais on « éprouvera les esprits pour voir s’ils sont de Dieu » (RB 58). On invitera tout d’abord le candidat, s’il n’est pas déjà connu, à venir faire une retraite à l’hôtellerie du monastère. Il rencontrera l’un des membres de l’équipe d’hôtellerie puis le responsable des Laïcs associés. Si cela peut convenir, après l’accord du Père Abbé, la personne sera accueillie pour un stage de trois semaines ou un mois, partageant le travail et la prière des moines. Au bout de ce temps, le Père Abbé avec son Conseil et le responsable des Laïcs associés, décidera s’il est possible de prolonger l’expérience avec une évaluation régulière, tous les trimestres.
Vie communautaire
Les Laïcs associés ont un logement dans l’enceinte du monastère. Ils peuvent circuler dans le jardin et les bâtiments du monastère, sauf à la bibliothèque et à la salle des journaux, en dehors du temps de récréation.
Ils participent à la vie liturgique dans sa totalité ou au moins, aux Heures majeures de Laudes et Vêpres, ainsi qu’à la messe. On pourra leur demander d’accomplir des services liturgiques (acolyte, thuriféraire…) lorsque cela sera possible pour eux.
Ils partageront les services communautaires, en particulier le service de table, la lecture de table, et l’intervention dans tel ou tel service comme la cuisine, l’infirmerie, l’hôtellerie, la porterie ou d’autres, selon les besoins. Ils assureront eux-mêmes le nettoyage régulier de leurs chambres et de leurs locaux avec un réel souci de propreté et d’entretien.
Ils sont tenus d’apporter leur juste concours au travail communautaire (cf. chapitre sur la vie économique)
Ils peuvent se joindre aux récréations, promenades et détentes communautaires. Mais ils garderont le silence monastique dans les lieux réguliers et dans le monastère en général. Ils veilleront à ne pas se répandre au dehors et s’ils doivent sortir ou s’absenter, ils en informeront le responsable des Laïcs associés.
Formation
Les Laïcs associés pourront participer aux cours organisés pour le noviciat lorsque cela s’avèrera utile. Sinon ils seront introduits à des lectures personnelles et pourront suivre les conférences données à la communauté par des intervenants extérieurs ainsi que les animations publiques proposées dans le cadre de l’hôtellerie (réunions d’oblats…etc.).
Vie économique et aspects juridiques
Le Statut des Laïcs associés d’un point de vue juridique et économique est actuellement à l’étude dans le cadre de l’Association « Monastic ». Chaque cas est particulier, il est difficile de légiférer sur ce point d’une manière trop générale. Le Cellérier et le responsable des Laïcs associés veilleront à ce qu’ils aient l’argent nécessaire pour leurs déplacements et leurs frais personnels
Selon leurs capacités, ils participent à l’un ou l’autre emploi du monastère.
Santé
Chaque Laïc associé doit bénéficier d’une couverture sociale et prendre lui-même en charge les difficultés de santé qu’il peut rencontrer. L’infirmier du monastère ne pourra assumer cette charge supplémentaire de travail.
Lorsque sa santé deviendra préoccupante pour cause de maladie ou de grand âge, le laïc associé devra pouvoir se retirer dans une maison spécialisée, le monastère ne pouvant alors l’assister dans cette étape.
Divers
Les Laïcs associés sont des personnes qui frappent spontanément à la porte du monastère : les demandes sont nombreuses, notamment de la part de retraités, il est prudent de ne pas accepter de candidat au-delà de 65 ans.
Le nombre des Laïcs associés ne doit pas dépasser un certain pourcentage variable selon l’état de la communauté et sa capacité à prendre en charge les arrivants.
Les Laïcs associés n’ont pas accès à la cabine téléphonique du monastère ; ils peuvent bénéficier de certains matériels communs pour le service de la communauté selon l’appréciation des responsables (vélos, matériel de bureau….)
Leurs absences doivent être harmonisées avec celles des moines avec lesquels ils travaillent dans les services et emplois du monastère.
Ils pourront recourir à la buanderie du monastère.
Ils veilleront à garder la discrétion dans le contact avec les moines. Ils n’entretiendront pas de longues conversations et ne circuleront pas dans les couloirs monastiques. Ils liront la Règle de Saint Benoît et les Constitutions de la Congrégation de Solesmes afin de suivre le mieux possible les consignes qui y sont données.
Si des Laïcs associés sont ainsi accueillis dans le monastère, c’est pour leur permettre de vivre une réelle expérience humaine et spirituelle de partage et de prière dans un climat fraternel de solidarité réciproque. Ainsi, peut-être, la communauté monastique pourra-t-elle aussi bénéficier de cet apport fraternel afin que l’Evangile continue d’être vécu et annoncé en ce lieu où l’appel de Dieu ne cesse de se faire entendre.
A Ligugé, le 30 novembre 2003
Les problèmes liés à l’aspect juridique sont sans doute les plus difficiles à résoudre car, au regard de la Loi, des laïcs vivant dans un monastère et participant à la vie de travail de la communauté ne peuvent être que des hôtes réglant une pension ou des personnes sous contrat.
Voici une étude qui a été réalisée pour faire le point sur cette question (Mise à jour le 12 août 2004)
Ce qu’on appelle communément « bénévoles » ne correspond pas toujours à la définition qu’en donne les organismes sociaux. Pour ces derniers, un bénévole est une personne qui n’est pas nourrie par l’association ou la société qui use de ses services. Elle n’est pas non plus logée par cette association ou cette société, du moins gratuitement. Elle peut être logée par l’entité pour laquelle elle travaille, moyennant un bail ou au moins un loyer régulier. Le bénévole ne présente pas d’avantages en nature vis-à-vis de son « employeur ». Une telle personne peut travailler aussi bien dans une structure lucrative que dans une association à but non lucratif.
Bien souvent, les soi-disant bénévoles que nous avons dans nos monastères n’en sont pas, puisqu’on les loge et les nourrit. C’est le cas la plupart du temps de ce qu’on appelle les « familiers » lorsqu’ils ne sont pas salariés. C’est le cas également des hôtes de passage qui travaillent au jardin ou ailleurs dans la maison, au moins un certain temps, lorsqu’ils ne paient pas leur séjour. Tous ces cas sont des gens au pair, qu’il convient normalement de déclarer comme tels aux organismes sociaux. Il en va généralement ainsi dès lors que quelqu’un est logé et nourri gratuitement, qu’il fournit un travail au monastère et qu’il ne fait pas partie de la communauté.
Cela veut dire que pour toutes ces personnes, qu’elles soient à la retraite ou non, il faut établir un contrat de travail, normalement à durée déterminée ou CDD. On leur établira tous les mois une feuille de paie comportant uniquement les avantages en nature : logement pour 41 € et nourriture pour 60 x 4,05 = 243 €, soit un total de 284 € selon les évaluations retenues aujourd’hui. L’intéressé ne touchera aucun salaire, les avantages en nature lui en tenant lieu. Par contre, le monastère cotisera aux divers organismes sociaux, avec les particularités détaillées ci-dessous.
Le monastère ne cotisera pas de part salariale, sauf dans le cas des Assedic et de la retraite complémentaire (AG2R). Pour l’URSSAF (maladie et vieillesse), il n’y aura donc que la part patronale en cause. Il n’y aura pas de CSG ni de CRDS qui se montent à 8 %, car elles relèvent de la part salariale. Pour l’AG2R, le monastère paiera les deux parts, la salariale et la patronale. De même pour les Assedic. Si l’intéressé au pair a plus de 65 ans, le monastère ne paiera que la part patronale pour les Assedic. Il se pourrait que ce dernier raisonnement vaille également pour l’AG2R, mais ce n’est pas sûr. Il y aura cotisation à la médecine du travail avec les obligations afférentes. Par contre, il n’y a pas de complémentaire maladie que l’intéressé peut prendre ailleurs, s’il le désire.
Si le salaire net se réduit à rien, le salaire brut se monte aux avantages en nature, soit 284 €, selon les barèmes retenus actuellement. On ne peut pas faire valoir ici les 10 % pour les congés. Le montant des cotisations dues se montera à 6,20 % de part salariale payée par l’employeur (Assedic et AG2R) et à 39,90 % de part patronale (à tous les organismes), soit au total 46,10 %. Cela fera donc 284 x 46,10 % = 130,92 €, auxquels s’ajoutent la médecine du travail (environ 6 €) et une part variable de taxes. On arrive à environ 140 € par mois, ou 1.680 € en année pleine.
Le salaire brut annuel sera de 284 x 12 = 3.406 €. Comme il faut 200 fois le SMIC horaire pour valider un trimestre de retraite, soit 200 x 7,61 € = 1.522 €, avec le salaire brut annuel considéré, cela valide 3.406/1.522 = 2, 24, autrement dit 2 trimestres seulement sur 4.
Le travail au pair n’est pas une vraie solution, si ce n’est à titre tout à fait exceptionnel, pour un temps très limité. Cette formule permet de régulariser une situation autrement répréhensible.
En conclusion, il semble important de retrouver le dynamisme d’un témoignage commun qui respecte la vocation de chacun. La situation la plus adaptée est celle de laïcs vivant dans le voisinage du monastère ou même plus loin et participant de manière bénévole à la vie du monastère : vie de prière, vie de travail et même pour certains aspects vie fraternelle.
Selon la perspective tout à fait prophétique de Dom Guéranger et pour mettre en œuvre les intuitions du Concile Vatican II, il est tout à fait capital de mettre en valeur l’association des moines, moniales et laïcs au service de l’annonce de l’Evangile. Chaque monastère trouvera ses orientations propres, mais il peut être bon aussi de s’encourager mutuellement et de pointer les grandes orientations de l’oblature d’aujourd’hui et demain comme c’est le cas dans une instance comme le Secrétariat des Oblatures Bénédictines.